C'est drôle de retomber
là-dessus deux mois plus tard. Je me revois griffonner ces phrases
insensées aussitôt arrivée à l'aéroport et finir dans le calme
nocturne de la salle d'embarquement. Mon cœur s'est tordu en
imaginant la dernière fois où je passerai ces portes sans savoir à
l'époque que c'était précisément la dernière fois. Je m'apprête
à quitter la Thaïlande en train. C'est quand même dingue d'être
triste pour un moment qu'on a pas vécu. J'aurais dû le savoir.
J'aurais pu me douter que c'était finalement le dernier adieu. C'est
un je-ne-sais-quoi qui traînait dans l'air. Tant pis, ça me donne
encore une raison de revenir.
C'est ici que tout à
commencé. Je me rappelle l'excitation en sentant les premiers fumets
de bouffe thai, cette écriture différente imbibée partout,
l'ambiance sereine qui régnait entre tes murs. Les produits
différents, la mélodie de ta langue et la beauté des visages. J'ai
aimé la moiteur accablante de ton air après 24h de vol, loin loin
Paris et Oslo sous la grisaille. J'ai vite oublié les premières
larmes et j'ai souhaité plus que tout venir te revoir.
Je suis revenue, chercher
un passeur qui t'a traversé sans trop s'en émouvoir apparemment.
Mais c'était une visite éclair, je t'ai seulement effleuré.
Aujourd'hui on se
rencontre à nouveau. J'arrive à l'heure au rendez-vous malgré une
ribambelle de pièges – retard d'avion, changement d'aéroport,
embouteillages et cie.
Tu vois, en me heurtant
de plein fouet contre toi, j'ai pensé à la dernière fois qu'on se
verra, dans cette vie du moins. J'ai ressenti tout le poids que ça
serait de te dire au revoir, de dire au revoir à ton pays aussi. Je
crois que je pleurerai encore, au fond de moi du moins.
Ça me fait ça les
aéroports, j'ai beau me dire que c'est de la merde pour
l'environnement, que c'est plus chouette d'arriver à pied dans un
pays, j'arrive pas à rester de marbre face à cette plaque tournante
vertigineuse et pleine de promesses.Peut-être un peu la faute à Kessel et Saint-Exupéry aussi..
C'est là que
s'échafaudent mes rêves, que je retrouve de l'entrain à voyager.
"Last call for Singapour", je sais ce que c'est Singapour,
des mall et des hôtels de luxe, mais je ne peux m'empêcher de
projeter des tas de fantasmes en entendant ces quatre mots. Promesses
de dépaysement, d'un monde lointain où on serait conduit dans un
vaisseau majestueux.
J'adore arriver bien en
avance dans ces entre-deux mondes. Plus ils sont grands plus je me
régale. Je suis servi avec Suvanaburhi, l'aéroport international de
Bangkok, le plus grand de l'Asie du Sud-est.
C'est toujours un défi,
tu flippes un peu au début, merde et si je trouve pas mon comptoir,
et si j'arrive en retard à ma porte. Mais c'est un jeu où le bouton
'aide' n'est jamais loin, mais chut ça gâche tout le plaisir!
Une course d'orientation
dans une langue bien particulière, non non pas l'anglais, la langue
des aéroports c'est un anglais fonctionnel à vocabulaire limité et
je me grise d'entendre partout dans le monde les mêmes mots,
mimiques, phrases toutes faites savourés à la sauce de chaque
accent.
Arriver en avance ça
laisse le temps de déambuler, passer chaque étape en prenant son
temps. Plus tu avances dans le parcours plus les couloirs sont vides
et calmes. Se plaindre quand il y a trop de queue à
l'enregistrement, chercher un ptit truc à manger, peu par faim mais
pour passer le temps et observer toute l'agitation calfeutré dans
son fauteuil comme des milliers d'inconnus. Tu vas aux toilettes 4
fois en deux heures, comme si tu cherchais un trésor et jubile à la
vue du petit logo. Errer dans le duty free encore bien trop cher.
Et puis dans les
aéroports tu es quelqu'un. Avant la law-cost du moins, tout le monde
est aux petits soins, ici en Asie plus qu'ailleurs, une hôtesse Lao
qui est trop heureuse de sortir ses quelques mots de français en
voyant ton passeport, « Joyeux Noël » un 23 Décembre,
des sourires de toutes parts qui t'embras(s)ent le coeur. Le douanier
arrive toujours à me terroriser et me faire sentir coupable, mais
ces sourires de toutes parts, le personnel dans leurs uniformes, ces
plateaux repas qui te font croire en 1e classe car tu n'as pas à
sortir ton porte-monnaie (oui je sais que je le paie d'une manière
ou d'une autre..). Et puis enfant, ces jouets qu'on te donnait, mon
préféré c'était l'avion El Al, un bel engin taillé dans un métal
froid et lourd qui parcourait des milliers de kilomètres dans l'air
de la cabine au bout de mon bras.
Salle
d'embarquement,
Déjà 2 heures qu'il fait nuit, je n'ai plus de repères temporels, ne sais plus si j'ai faim ou soif, si je veux dormir ou si je le dois. L'aéroport c'est une planète qui tourne selon une révolution bien à elle, tout ton être est bouleversé et se plie à ses règles.
Déjà 2 heures qu'il fait nuit, je n'ai plus de repères temporels, ne sais plus si j'ai faim ou soif, si je veux dormir ou si je le dois. L'aéroport c'est une planète qui tourne selon une révolution bien à elle, tout ton être est bouleversé et se plie à ses règles.
Quand j'accompagne
quelqu'un dans ces lieux je me sens si misérable de rester à la
porte, coincé dans un univers si plat et merdique. Je crois que
j'adorerais être le boss d'un truc pareil. Comme personne ne me
connaîtrait vraiment je pourrais aller me balader toute la journée
parmi les passagers, tacler les lourdauds, regarder les familles se
débrouiller avec leurs gosses, ramener les paumés dans la bonne
direction, payer un café à un voyageur solitaire blasé d'en être.
Dire merde au temps et vivre sur tous les fuseaux horaires en même
temps, et puis s'endormir d'ivresse et de fatigue au beau milieu de
toute cette agitation rassurante.
En attendant je dois te
quitter à nouveau, embarquement imminent pour Vientiane. On se
retrouve dans 9 jours baby !
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