Croquer les minutes,
repousser l'heure d'aller se coucher même si l'horloge est repartie
à zéro. 1, 2, 3 j'irai au bois. Ne pas gâcher une miette même si
ça inclut de ne plus dormir. Sentir comment ça s'approche et jouer
avec le temps. Tic-tac on est déjà dimanche. Tic-tac on est déjà
mercredi.
Calypso m'a prise en otage.
J'oublie tout le reste, l'Avant, l'Autre, le Pays. Elle joue de ses
charmes et moi je succombe. Elle me demande pourquoi renoncer aux
douceurs de cette vie, au soleil qui te caresse la peau dès le
matin, aux sourires et « sawadeeka » de mes voisins quand
j'ouvre les volets. Aux rires faciles et aux repas cheap et si bons.
À la nature dans la ville et à la douceur de vivre en extérieur.
Au travail riche et plaisant. À cette langue de plus en plus
familière et cette bière qui se boit toute seule. Je marmonne une
réponse, il y a ce bout de papier, cette petite note en bas de page
« tarif ni échangeable, ni remboursable ». Il y a la
raison, trop de raison c'est déraisonnable. N'y crois pas vraiment,
en cherche une autre, me tais.
Mes élèves défilent
depuis deux jours et me couvrent de cadeaux. Ils me demandent
pourquoi je pars. S'excusent d'avoir discuté en cours, me tartinent
de câlins, se force à verser une larme. Je m'excuse de partir.
Et puis il y a eux. Mes
compagnons de boulot, de soirée, de pression, de rire ou d'ennui.
Ces trois personnages si atypiques, parfois irritant mais toujours
attachants dont je vous livrerai peut-être les secrets un jour. Ce
sont eux qui ont rendu ce séjour, ce travail, cette vie si agréables
et enrichissants. Le travail a fait partie intégrante de ma vie et
j'ai aimé ça. Même ce mois passé à dormir au bureau n'a pas été
oppressant du tout. Je m'en veux de partir et de vous laisser. On
formait une bonne équipe je crois. Une équipe de bras cassés mais
qu'est-ce qu'on a rigolé. Cette dernière soirée au coin du feu
dans la campagne de Mae Chan était un peu à notre image. On a
mélangé le champagne, le foie gras avec les piments des brochettes
thaïs. On était français, thais, taiwanais, on a trop bu et danser
sur du jazz et de la pop thaï. On a parlé avec gouaille et
délicatesse, on s'est couché et on est reparti travailler sans un
mot. Douce mécanique. Ça m'a fait bizarre de ne pas l'huiler ce
matin, je vous cherche, guette la voix de Guy qui crie « Pam ! »,
le gâteau matinal de Manu et le chien qui aboie.
Imaginer la suite. Prendre
une poignet de sable dans ce désert et la laisser s'échapper.
Partir d'ici m’apparaît comme cracher sur ces six mois. Il a fallu
prendre ses marques, s'immiscer dans cette langue, réapprendre à
manger, à se comporter, s'accorder leur confiance. Il y a tous ces
projets, ces rencontres fortuites, gonflés d'espoir, laissés au
vol. Six mois ce n'est pas grand chose et pourtant si long dans ma
petite existence toujours en mouvement. Je réapprendrai me dit-on.
Je réapprendrai mais n'oublierai pas.
C'est un peu pénible ces
déracinements prématurés.
(Pour l'heure je dois être quelque part dans le sud de la Thaïlande, dans le train direction la Malaisie! à bientôt !)
dernier coucher de soleil, aéroport, 27/02/14 |
bye bye, see in one month in Paris ! |
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